Frank Arif
"Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts. (I. Newton)"
Il y a des cuisiniers nés, des veinards qui font ça d’instinct, naturellement, en mettant toujours en plein dans le mille. Paf !
Ce n’est pas mon cas. J’ai dû trimer et rencontrer des gens pour en arriver à être un cuisinier à part entière. La preuve que chacun a sa chance !
Collégien plus que moyen, du haut de mes 14 ans je rallie l’école hôtelière la plus proche. CAP obtenu de justesse, direction Londres. Pour ma première année sur le terrain, j’intègre l’équipe d’un restaurant d’hôtel créé et tenu par l’excellent Oustau de Beaumanière (heureux propriétaire d’un restaurant renommé des Alpilles provençales). C’est enfin le déclic. J’apprends que l’on peut prendre du plaisir à cuisiner grâce à des personnes possédant une vraie maîtrise du sujet.
Retour en France pour rejoindre Ornans, un des plus beaux sites franc-comtois, où j’apprends les petits secrets concernant les gibiers et champignons des bois. Le Moulin du Prieuré est l’un des plus jolis établissements familiaux où j’ai eu la chance de travailler, avec comme patron une des plus grandes gueules qu’il m’ait été donné de rencontrer, mais un sacré bonhomme, passionné de chasse et de pêche à la mouche.
L’appel de la capitale et des grandes maisons me gagnant, je plie bagage pour la Bastille où je me fais engager à La Tour d’Argent. Je m’aperçois, au premier jour d’embauche, que je ne suis pas dans la fameuse maison qui, elle, se trouve quai de la Tournelle...
Quelques coups de fusil (à côté de la cible) et levers de drapeaux plus loin, Freddy Israël m’ouvre la porte de sa belle maison de la rue de la Tour (La Petite Tour... ça devient une manie) notée quand même une étoile au guide rouge. J’aimais cette cuisine sincère et gourmande, malheureusement d’un autre temps, mais dont je garde les principes essentiels.
J’obtiens ensuite un poste de commis de cuisine, cette fois, à la « vraie » Tour d’Argent, avec ses canards au sang par dizaines et sa cave phénoménale.
Le regretté Claude Terrail tenait sa fameuse maison d’une main de maître. Il avait un mot pour chacun de ses clients, ce qui peut paraître anodin, mais qui est remarquable par les temps qui courent. Le chef de cuisine de l’époque avait beau être une belle peau de vache, je le remercie de m’avoir engagé.
Étant plutôt impatient et le salaire peu adapté à la vie parisienne, je décide d’abréger mon apprentissage dans les grandes maisons et de prendre en main la cuisine d’établissements plus démocratiques. Finies les tours ! Le 15e et Le Belisaire, une institution du quartier, propriété de M. Monteil, patron de bistrot hâbleur et enjoué, rugbyman en culotte de velours, qui me donne carte blanche en cuisine. Nous régalons nos clients avec des plats 100 % maison, proposés sur une ardoise évoluant selon la saison. Cette période est une des plus valorisantes que j’ai vécues. C’est le temps de l’assurance, où je me découvre capable de nourrir une centaine de personnes par jour sans craindre que l’une d’elles me jette son assiette à la figure.
Chez Cézigue est mon atelier, là où mon univers culinaire prend sa mesure. Ma clientèle, principalement celle du quartier Vaugirard, me fait confiance et participe à mon évolution en venant goûter mes nouveautés ainsi que les incontournables.
Born
1986
Category
Children, Photography
Language
English